Mystic Falls.
Son nom elle-même semblait prédestiner cette ville à accueillir les derniers évènements surnaturels qui s’y étaient déroulés, et qui avait poussé l’homme qui se tenait dans cette ruelle à venir s’y installer. Il avait d’ailleurs acheté un manoir à cette occasion. Manoir dont il avait plus ou moins obligés les propriétaires à disparaître. L’hypnose ayant été une arme à la sentence pernicieuse à cette occasion, bien qu’il ait été juste dans la somme versée. L’ordre néanmoins avait été plus obséquieux, plus sournois dans son obligation à ce qu’ils ne reviennent jamais ici. Ainsi, il était devenu l’heureux propriétaire d’une demeure des plus confortables, au faste et à la richesse discrète bien que réelle. Nul siècle ne le pousserait à rejoindre la fange qui avait été sienne durant les premières années de sa vie après la disparition de son père, Arthur. Nulle ombre pernicieuse ne le priverait jamais de toutes les richesses qu’il avait accumulées au fil de ces mêmes siècles qui l’avaient vu divaguer dans l’univers des mortels, à l’image d’un film ralentis au gré du temps, comme si le monde tournait trop vite pour imprimer ne serait-ce qu’une trace sur le visage bien trop charmeur de la créature nocturne qui marchait au grand jour.

Mais à cet instant, à cette frauduleuse seconde qui n’en devenait que plus envieuse de découvrir ce que voyait son regard obsessivement braqué sur un visage qu’il observait, ses prunelles divaguant dans un passé brumeux. D’autres traits s’étaient imposés à son souvenir, recouvrant ceux qui lui faisaient presque face. Ceux qu’il pensait ne jamais recroiser de son éternité, même sous une fourbe similitude. Il avait pourtant parfaitement conscience que son frère aurait pu avoir des enfants, et que ces mêmes descendants pourraient un jour ressembler à cette mère dont il n’avait même pas cherché à connaître la fin. Pourtant, si à cette seconde, cette vision le troubla, aucune culpabilité ne vint se graver dans ses entrailles sous l’abandon qui avait autrefois été le sien. N’avait-il pas au fond amélioré leur quotidien avant de disparaître ? Ne leur avait-il pas donné les moyens de vivre dignement, de permettre à son frère de se construire une vie ? Mais peut-être les couronnes avaient-elles été le gain de trop, l’arrêt de mort signé sous les meilleures intentions non égoïstes de l’enfant, les dernières sûrement également.

Ses doigts s’enfonçant dans les poches de son manteau, Samuel huma l’air comme un nouvel arrivant profiterait de ces instants qui ne lui demanderaient aucune concentration superflue. Pourtant, il avait traitreusement conscience qu’il n’était pas le seul vampire de cette ruelle, et que peut-être, était-il en possession d’une information dont il ne savait que faire : elle ressemblait à sa mère. Traversant la rue d’un pas calme et assuré, il ne paraissait être un danger pour quiconque, un sourire volage et rêveur ancré au coin des lèvres de ce visage dont il avait hérité de par son père, anguleux et fort, sans être néanmoins semblable. Il ne faisait aucun effort pour paraître silencieux, comme un nouveau vampire, encore bien trop humain… ou un vampire trop exercé à le paraître. Celui qui depuis son arrivée n’avait laissé que le nom de Samuel Carteret s’extirper de ses lèvres, pourrait bien revoir ses positions… peut-être.

Parvenant près de la jeune femme, il croisa la clarté de son regard, tellement semblable et pourtant si différant de celui de celle qui l’avait mis au monde. Le Diable était ainsi sournois de graver des détails, des informations dérisoires dans un esprit que le monde ne pouvait étreindre pour le briser, à moins d’une autre main sarcastique.

« J’ai connu, dans un autre temps, une femme qui vous ressemblait. » commença-t-il avant de lui tendre une main, son regard acéré observant attentivement la jeune femme. « Samuel Carteret, et vous êtes ? » reprit-il avec courtoisie… peut-être connaîtrait-elle ce nom des nobles vivant non loin de la famille de Samuel. Il n’imaginerait même pas qu’il se tenait devant celle qui aurait pu être sa mère, ne parvenait qu’à entrevoir qu’elle était sûrement l’une de ses petites nièces qui était juste un détail intriguant… trois êtres de la même famille devenus vampires, voilà qui pouvait être amusant.