Not leave me alone behind.
Le Grill.
Ce n’était pas la première fois qu’il entrait dans ce bar à la boiserie sombre et agréable dans lequel il était néanmoins interdit de fumer. Peut-être était-ce l’un des symboles qui lui confirmait qu’il ne se trouvait plus à une époque reculée et oubliée de bien des êtres. Mais il manquait également les prostituées ou les habits de fortune… Les rires gras se poursuivaient, les jeux avaient simplement évolués, mais ce dernier point n’était sûrement pas pour lui déplaire. Quant aux filles, il lui avait suffi d’une parole droit dans les yeux pour en avoir une sur les genoux à laquelle il avait dérobé quelques lampées de sang, fluide carmin, pêché mignon du caïnite qui profitait de l’ambiance calme bien que festive des lieux. Ces dernières années, il dirigeait des clubs plus huppés que celui-ci, habitudes qu’il avait dérobées à sa chère Rebekah, bien que ses meurtres les plus sanglants s’étaient souvent déroulés dans l’une des petites chambres attenantes à une taverne.
Mais peut-être ne fallait-il pas oublier l’autre facette de sa personnalité moderne… Aleksandr. Celui qui dirigeait un réseau de prostitution dans les pays de l’est. Celui qui s’enrichissait et mettait à la tête de son organisation un pantin ou bien un autre, de sorte que la vérité de son visage soit à jamais préservée. Il était recherché, mais qui donc irait suspecter Samuel Carteret d’être derrière tout cela. Et pire encore, Samuel Mc Garett, celui qui se tenait ici-même, en ces lieux, souriant à une blague d’un homme venu bavasser avec lui, et qu’il avait, bien évidemment, convaincu que son attitude avec la jeune femme dont il ne faisait que… baiser le poignet à l’occasion, n’avait rien de suspect, alors qu’elle y prenait tant de plaisir. Et en parlant de l’agneau, il se dandina, frottant son délicat petit postérieur contre l’indécente virilité qu’elle cherchait à stimuler par ce geste.
«
Il n’est pas intéressant, mais moi oui. » se plaignît-elle d’être trop longuement délaissée.
«
Ah oui ?-
Oui. » répondit-elle en hochant délicatement son visage, ses boucles brunes glissant sur ses traits, tandis qu’elle rapprochait ses lèvres, n’attendant que le baiser qui suivit, et auquel il ajouta une pointe personnelle… une subtile coupure qui lui offrit le goût du sang. Fanny, oui c’était ainsi qu’elle avait dit s’appeler, s’offrant une originalité française. Fanny avait un goût délicieux, un subtile parfum qui la lui ferait conserver durant quelques temps. Elle était en vacance, seule, et ce détail ne faisait d’elle qu’une proie délicieusement fragile et sacrifiable. Son petit agneau délicat et si facile à briser… dont il se détacha, pourléchant ses lèvres à l’image d’un félin satisfait des premières gorgées de lait qu’il venait de s’octroyer, pure gourmandise d’un prédateur déjà repu.
Néanmoins, à cette simple seconde, son regard fut attiré par une autre personne venant de pénétrer dans le bar. Ses prunelles dérivant sur la haute stature de l’homme, son visage anguleux et ses vêtements… troublants d’indécence qui lui firent relever un sourcil. Brièvement cependant. Se retournant vers l’homme se trouvant à ses côtés, il formula un «
Laisse-nous. » d’une voix trop sombre, d’un regard trop convainquant, que l’autre se leva pour rejoindre le bar.
«
Fanny… » poursuivit-il de son timbre rocailleux et profond. «
Propose donc à cet homme de nous rejoindre autour d’un verre. »
Le petit agneau se leva donc, lissant sa courte jupe qui dévoilait des jambes longues et interminables, aussi douces qu’elles en avaient l’air. Son visage, cependant, aussi innocent que celui d’un poupon, n’était qu’un leurre de plus sur cette terre, un mensonge pour attirer de nouveaux amants. Samuel ne prit même pas la peine de la suivre des yeux, convaincu qu’elle ferait ce qu’il lui disait, il se pencha, son visage rejoignant une main sur ses lèvres, tandis qu’il observait fixement celui qu’il l’avait envoyé chercher, et dont il connaissait précisément l’identité : Arthur Mc Garett, son père. Celui qu’il n’avait jamais pris la peine de rencontrer, celui qui, durant toutes ces dernières années, avait fait l’objet de rapports divers et variés, laissant le vampire le connaître en partie, conscient d’avoir hérité des mœurs délictueux de son paternel. Un homme si bon, si courageux… selon sa mère. Cela faisait si longtemps qu’il n’avait pas pensé à elle… quelques jours à peine en vérité, le temps de croiser une Rose dans une ruelle de la ville. Les souvenirs… un jeu tout au plus.
All of my memories keep you near .